Cameroon Policy Analysis and Research Center --- Centre d'Analyse et de Recherche sur les Politiques Economiques et Sociales du Cameroun

Ne donnons pas raison aux afro-pessimistes !

14 avril 2023

De nombreux penseurs et personnalités qualifiés d’afro-optimistes ont mis l’Afrique sur un étendard et ont prédit que le salut de l’humanité proviendrait du berceau de l’humanité. D’autres par contre, à tort ou à raison, jugent le continent noir pas assez outillé pour atteindre ses ambitions de développement, ils sont qualifiés d’afro-pessimistes.

Contrairement à ce qui pourrait être pensé, les afro-pessimistes se comptent également parmi les ressortissants d’origine africaine. Parmi eux, nous avons la journaliste, auteure et spécialiste des questions de développement, originaire du Cameroun et de nationalité franco-sénégalaise, Axelle Kabou dont l’ouvrage « Et si l’Afrique refusait le développement?» a fait couler beaucoup d’encre et de salive en son temps. Dans une interview donnée en France, il lui a été posé cette question : « En 2050, l’Afrique disposera du quart de la population active mondiale, n’est-ce pas un formidable levier pour créer de la richesse ? » et à elle de répondre : « Non, car l’Afrique ne dispose pas du socle nécessaire. Les rapports à la connaissance, la science et l’éducation sont extrêmement diaphanes. Pour qu’une dynamique d’exploitation des savoirs se mette en place, quelques décennies ne suffiront pas. »

Avant elle, d’autres auteurs se sont illustrés par leur refus de croire au développement de l’Afrique ; à l’instar de René Dumont, qui, dans son ouvrage « L’Afrique noire est mal partie » paru en 1962, décrit méthodiquement les handicaps du continent africain, les problèmes de corruption, les conséquences de la décolonisation, et son diagnostic s’est révélé le plus souvent pertinent par la suite. À cela on pourrait aussi mentionner l’ouvrage « Afin de détruire un peuple, il faut d’abord détruire ses racines», écrit par Alexandre Soljenitsyne. Et la liste ne saurait être exhaustive. 1 – Publication dans le magazine Jeune Afrique, le 04 avril 2012 2 – Ouvrage « L’Archipel du Goulag » essai d’investigation littéraire; 1973 « Trop de conseils ont fini par rendre le varan sourd », enseigne une sagesse bantoue. En d’autres termes, trop d’ingrédients rendent le repas indigeste et donc « difficile à consommer ».

En adoptant une démarche mathématique et en transposant ce postulat dans le domaine de l’éducation, nous pouvons oser formuler le corollaire suivant sous forme interrogative : Et si le trop plein de matières d’enseignement était l’une des origines de l’inefficacité de notre système éducatif ? Des systèmes éducatifs africains ? Cette inefficacité qui semble faire des thèmes sur le décollage difficile de l’Afrique. C’est en toile de fond l’hypothèse principale de cette étude qui combine à la fois les approches normative et exploratoire. Et pourtant, depuis les indépendances, le secteur de l’éducation et de la formation a toujours été présenté comme une des priorités du pays. Avec près de 15% du budget national et l’effectif des personnels le plus important dans la fonction publique camerounaise, la volonté politique du Gouvernement n’est plus à rechercher. Mais qu’est-ce qui coince pour le véritable décollage du secteur éducation/formation au Cameroun ? La question reste pendante et d’actualité depuis des décennies.

Avec une population majoritairement jeune, de plus en plus éduquée et ouverte sur le monde à travers les TIC4 , le feu n’est-il pas en train de couver sous la cendre ? Le Cameroun ne construit-il pas au fil des années un volcan sous l’eau ? Dans un pays avec l’un des taux de scolarisation les plus élevés en Afrique5 , et avec des milliers de diplômés sortis du système éducatif chaque année, mais qui peinent à trouver des emplois décents, le Cameroun présente un taux de sous-emploi des diplômés du supérieur extrêmement élevé, soit 73,1% pour les jeunes de 14 à 34 ans selon l’Institut National de la Statistique (INS), d’après l’Enquête sur l’Emploi et le Secteur Informel (EESI 3).

L’équipe du Centre d’Analyse et de Recherche sur les Politiques Économiques et Sociales du Cameroun (CAMERCAP-PARC) a posé la question autrement : Et si le problème tenait à la qualité, à la quantité et à la combinaison des programmes scolaires en vigueur dans notre pays depuis les indépendances ? Le modèle hérité de la colonisation était-il destiné à affranchir les peuples africains et à les orienter vers une approche de développement inclusif et durable ? En tout état de cause, ce modèle peut-il encore se justifier en 2022/2023 ?

Quel que soit le bout par lequel on abordera cette discussion, la conclusion semble tomber d’elle-même comme un fruit à maturité : l’urgence est à la rupture. C’est ce que s’évertue à suggérer cette étude. Tout en laissant le soin et la primauté aux spécialistes des sciences de l’éducation et des technologies éducatives, ainsi qu’aux pédagogues d’aller dans le fond des contenus des programmes d’enseignement, la présente étude présente un intérêt certain : celui de poser le problème et de sonner l’alerte, en un langage accessible à tous, et surtout aux bénéficiaires de l’école que sont les élèves, les parents et les utilisateurs des produits de la Stratégie Sectorielle de l’Éducation et de la Formation au Cameroun. Tout ceci pour qu’advienne « le temps favorable », celui du décollage véritable vers l’émergence. /-

Barnabé OKOUDA, Directeur Exécutif

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Last modified: 14 avril 2023

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