Ses appréhensions reposent notamment sur le fort taux de renouvellement des exécutifs communaux ne disposant pas forcément de compétences en matière de gestion des finances publiques.
Le Centre d’analyse et de recherche sur les politiques économiques et sociales du Cameroun (Camercap-Parc) est un thinktank étatique de veille stratégique. Dans une étude intitulée « Effectivité de la décentralisation et sécurisation de la fortune publique au Cameroun » publiée en juin 2020, il alerte sur les risques d’accentuation de la malgouvernance au sein des collectivités territoriales décentralisées (CTD).
L’étude juge les risques d’autant plus réels qu’à l’issue des élections municipales du 9 février dernier, les exécutifs communaux ont été renouvelés à plus de 60 %, d’après le ministère de la Décentralisation et du Développement local. « Ce taux de renouvellement présente un revers qui peut être à haut risque », s’inquiète le Camercap-Parc. Concrètement, note l’étude, avec l’entrée en scène des 10 Conseils régionaux à l’issue des élections régionales du 6 décembre prochain, en intégrant les 374 communes et communautés urbaines cela fera 384 ordonnateurs délégués à accréditer en matière de gestion des finances publiques. Or, constate le Camercap-Parc, la plupart de ces élus sont très loin d’être des experts en la matière. D’ailleurs, un récent rapport de la Chambre des comptes de la Cour suprême déplore le faible taux de production du compte de gestion par l’écrasante majorité des maires en raison d’un déficit de compétences.
A défaut pour les maires d’êtres outillés, « il leur est tout de même requis de s’entourer des personnes dotées de compétence et d’expérience en matière de gestion des finances publiques », suggère l’étude. Ce qui n’est pas toujours le cas. Même la nomination récente par le ministre des Finances des contrôleurs financiers auprès des CTD ne constitue la solution, car ces derniers n’interviennent qu’au bout de la chaîne de la dépense publique.
La situation risque d’empirer avec l’allocation par la loi du 24 décembre 2019 portant Code général de la décentralisation de 15 % du budget de l’Etat aux CTD. Sauf qu’il ne s’agit pas d’un transfert d’argent liquide de l’Etat central vers les CTD. « En clair, parmi les recettes générées et collectées de part et d’autre, il y aura des clés de répartition entre ce qui doit revenir à l’Etat central et ce qui doit être géré au niveau local », explicite l’étude. D’où le besoin d’une expertise avérée au niveau de chaque CTD pour veiller au bon calcul et au suivi des recettes prévisionnelles. En guise de réponse à court terme, le Camercap-Parc préconise notamment la mise en route dans de brefs délais d’un programme de formation des élus locaux à la programmation budgétaire des CTD. « La finalité étant de travailler et de les doter des compétences nécessaires pour la préservation et la sécurisation de la fortune
publique », précise l’étude. Elle suggère aussi la création dans chaque région au moins d’une antenne de la direction générale du Budget pour assurer ce programme de renforcement des capacités des CTD en matière de programmation budgétaire.
Dominique MBASSI (TRI HEBDOMADAIRE REPERES N°913 du mercredi 4 novembre 2020)
Last modified: 6 novembre 2020