L’expert camerounais Alain Symphorien Ndzana Biloa, dans un essai paru aux éditions Panthéon en ce début d’année 2021, souhaite un système fiscal international baptisé «3G» ou encore de 3e génération.
C’est un essai de 281 pages que l’auteur Alain Symphorien Ndzana Biloa vient de commettre. Il est intitulé «Un système fiscal international 3G pour financer le développement durable». L’ouvrage du fiscaliste camerounais passe en revue les politiques fiscales et leur impact, ainsi que les problèmes d’imposition, de fraude mais aussi d’évasion fiscale des multinationales. Et le Cameroun n’en est pas épargner. A cet effet, indique l’auteur, si l’élargissement du champ d’application de la retenue à la source sur les revenus était la panacée contre l’évasion fiscale internationale des géants de l’économie numérique, on conclurait qu’avec l’article 225 du Code général des Impôts (Cgi), le Cameroun s’est doté d’un dispositif fiscal qui lui permet en principe d’appréhender les revenus de source camerounaise engrangés par eux.
Mais, souligne l’auteur, tel n’est pas le cas pour au moins deux raisons: d’une part, la Taxe sur le revenu (Tsr) n’est due que sur les sommes payées par l’Etat, les collectivités territoriales décentralisées et les entreprises, à l’exclusion de celles payées par les individus; d’autre part, dans la plupart des cas, l’entreprise non-résidente met cette taxe à la charge de son client, ce qui fait que son revenu reste à l’abri de la retenue à la source. Conscient de cette réalité, le gouvernement camerounais a dû accorder à la Société nationale de raffinage (Sonara) un abattement de 50% sur la base de la TSR, grevant l’acquisition de certains matériels dans le cadre de ses travaux d’extension et de modernisation pendant une période de six ans. Le fait que cette disposition soit revisitée par chaque loi de finances depuis une dizaine d’années trahit une triste réalité : l’élargissement du champ d’application de la retenue à la source n’est pas la solution appropriée pour l’imposition des revenus des entreprises non-résidentes en général et ceux des géants du numérique en particulier.
Pour faire face à l’optimisation fiscale de plus en plus abusive, des multinationales, certains Etats ont opté pour des réformes plus générales avec pour objectif soit de créer de nouveaux régimes fiscaux visant le rétablissement de l’équilibre entre elles et les administrations fiscales, soit de prendre des mesures anti-abus pour contrecarrer le recours excessif des multinationales aux facturations et/ou paiements ayant pour effet de réduire leur base d’imposition à l’impôt sur les bénéfices.
Grandes multinationales
C’est dans cette logique que certains pays ont mis en place des régimes fiscaux spécifiques pour les grandes entreprises multinationales. Le Royaume-Uni a instauré un impôt sur les bénéfices détournés. Il s’agit d’un impôt au taux majoré de 25% (alors que le taux de l’impôt sur les bénéfices était de 19% en 2017) qui visent exclusivement les bénéfices considérés comme ayant été artificiellement détournés hors du Royaume-Uni. Les bénéfices détournés sont identifiés en utilisant deux grands principes : la règle relative au contournement du statut de l’établissement stable et celle relative à la définition de dispositions alternatives. Suivant l’exemple du Canada qui était jusque-là le pays du G8 présentant le taux d’imposition des entreprises le plus bas, les autres pays se sont engagés dans une concurrence fiscale d’abord en principe entre eux, mais finalement aussi avec les paradis fiscaux. En 2000, l’Allemagne a décidé de baisser son taux d’imposition de 50% à 30% ; le Cameroun a réduit son taux facial d’imposition de 38,5% à 33% en 2016 ; en 2017, la Hongrie l’a baissé de 19% à 9%, la Norvège de 25% à 24%, le Luxembourg de 21% à 19%. Au Cameroun, la loi n°2014/026 du 23 décembre 2014 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2015 est une parfaite illustration de cet équilibrisme fiscal. En effet, dans cette même loi, le législateur a baissé le taux d’imposition facial des entreprises de 38,5 à 33% soit 5 points, mais a relevé les taux des minima de perception de 1,1% à 2,2% du chiffre d’affaires pour les contribuables relevant du régime du réel et à 5,5% pour ceux du régime simplifié.
Mais, indique l’auteur « certains pays mettent en place des régimes fiscaux préférentiels pour attirer les activités économiques les plus faciles à déplacer et pour bénéficier de la différence des taux d’imposition. Il y a concurrence fiscale dommageable lorsqu’un régime fiscal préférentiel est partiellement ou complètement déconnecté de l’économie nationale et sape les bases d’imposition étrangère». L’auteur appelle de ses vœux un système international de troisième génération qui permettra aux Etats de capter les richesses de la planète où qu’elles se trouvent en vue de leur imposition, afin de s’assurer le financement des politiques publiques. Il devra faire partie des priorités internationales de l’après Covid-19 dans l’optique de contribuer à la réduction des inégalités entre les pays et régions du monde et entre les personnes de même génération ou de générations différentes, de même sexe ou de sexes différents. «La taxation des bénéfices des multinationales doit être au centre de cette réforme. L’imposition unitaire à un taux minimum de l’impôt sur les sociétés semble être la solution la plus à même de corriger les défauts du système actuel. Car avec une fiscalité unitaire des multinationales basée sur leurs activités de production et de vente, chacune d’elles payera l’impôt dû sur l’intégralité du bénéfice réalisé chaque Etat pourra encaisser un montant proportionnel aux activités réelles de cette dernière sur son territoire.
Sylvain Andzongo / Essingan N° 443 du mercredi 10 février 2021
Last modified: 22 février 2021